lundi 14 octobre 2013

Avec les autres

13/10/2013

Quand on mange avec d'autres personnes, A/Z, ce n'est pas comme d'habitude. Déjà, il faut prévoir d'avoir faim, et ça, ce n'est pas simple, je suis en plein début d'apprentissage de la méthode, et l'appétit prévisionnel, c'est pas encore un réflexe pour moi, ni même une chose que je peux réussir consciemment, et surtout pas à tous les coups.

Cette semaine, notre neveu est venu passer la soirée et la nuit à la maison. C'est le neveu de mon mari, mais ça m'amuse d'avoir des neveux de 35 ans, alors que j'ai attendu mon neveu et ma nièce pendant des années et des années. (Mon mari est l'avant-dernier d'une grande famille, il a trois sœurs et trois frères).
On est très très peu doués pour recevoir, surtout au débotté, mais les neveux, c'est compréhensifs, bien élevés, polis, et sympas, donc ça s'est bien passé. Et puis quand je me suis excusée de servir des trucs tout prêts et pas très sains (charcuterie d'Intermarché, brandade de morue d'Intermarché, gâteau d'Intermarché, salade en sachet - mais beurre bio !), il a répliqué en rigolant : "Tu sais, moi, je suis né en 78, je préfère la Mousline plutôt que la purée maison !"
Bon, donc repas improvisé. Problème : je n'avais pas faim. Même pas un peu. Donc je me suis mise à table, devant mon assiette, et on a papoté, et voilà. Après, j'ai tout rangé, j'ai mis un peu de tout ce que je voulais manger dans mon assiette, et j'ai attendu d'avoir la bonne faim pour manger. Ce n'est pas très poli, mais chez moi, je ne me gène pas, ça va.

Hier soir, on est allés manger avec mes frères, mes belles-soeurs, et un couple d'amis.
En prévision, j'ai mangé avec une petite faim vers midi et remangé avec une petite faim vers 15h, de petites quantités, en m'arrêtant avant d'être à satiété, de manière à essayer d'avoir une amplitude de temps correspondant à l'apparition de ma bonne faim vers 20 heures. C'est pas facile à faire, je n'étais pas sûre du résultat, mais ça a marché.

Mon frère et ma belle-soeur avaient préparé de la soupe de poisson dans des petits pots de verrine, avec une paille. Ils le font souvent (eux, ils savent recevoir !). J'adore leurs petites soupes en apéro. Ensuite, il y avait des moules et des frites. Mon neveu (le petit, celui de 3 ans et demi), n'a pas laissé sa part ! Il a même repoussé les mains de l'ami, qui essayait de lui montrer comment extraire les moules en les pinçant avec une autre coquille. Mais comme il est poli (et qu'il sait qu'en général, avec Félix, on fait des trucs rigolos, comme souffler dans des langues de belle-mère), il l'a laissé montrer, et il a trouvé ça chouette (les trucs de grands, c'est chouette, parce que c'est difficile !)

De mon côté, je n'ai pas réussi à reposer ma verrine de soupe. Chez moi, je me serai contentée d'une ou deux gorgées. Mais ça m'embête de laisser quelque chose d'entamé, alors que ma belle-soeur s'était donnée du mal. Du coup, j'ai renoncé à poser, j'ai mangé en dégustant quand même. J'en ai laissé un fond socialement acceptable. Ce n'est pas que je n'en avais pas envie, c'est que ce n'était pas leur meilleure soupe, et j'aurais préféré utiliser ma faim sur autre chose. (Zermati, dans son livre, conseille de devenir un mangeur difficile !)

La première fournée de moules n'était pas assez cuites. D'habitude, je n'aime pas ça, je trouve que les moules crues ont un goût amer. Mais là, j'ai apprécié : le goût de la mer, le persil, et même la texture, c'était bon et pas amer du tout. J'ai pris aussi un peu de frites (frites Actifry, comme on fait à la maison) et un peu de sauce tomate.

J'ai observé comment se comportait les mangeurs régulés. Mes frères ont un léger problème de poids, mais qu'ils gèrent, mes belles-sœurs sont minces mais "font attention". Mais je crois qu'au fond, elles sont régulées. Le couple d'amis est complètement régulé. Souvent, ils se portent volontaires pour servir les convives. Déjà parce que la convivialité est dans leur nature, et ensuite, peut-être, parce que ça permet de gérer la part qu'ils prennent au lieu de devoir manger celle qu'on leur sert ? Du coup, j'ai servi les frites ! Je voulais en manger, mais pas trop, pour garder de la place (j'avais vu un saladier de pâte et l'appareil à gaufre à côté, je ne voulais pas rater ça !)

J'ai mangé à mon rythme, sans faire vraiment attention à me concentrer sur la dégustation, sans faire attention à poser mes couverts à chaque bouchée. Et pourtant, je l'ai fait. Quand la deuxième fournée de moules est arrivée, j'étais au trois-quarts de la mienne. (Zermati et Apfeldorfer conseillent d'essayer d'être le dernier à terminer son plat. Là, je l'ai fait sans le chercher). Agnès (mangeuse régulée) venait de finir la sienne. Elle n'en a pas repris tout de suite. Sans y penser, j'ai fait pareil : j'en avais envie, mais je ne savais pas si j'avais faim. Et comme j'étais prise dans la conversation (aucun n'est instit, ils sont majoritairement infirmiers, avec une architecte et une qui fait une année d'étude pour changer de boulot, donc c'est passionnant et exotique d'échanger avec eux), je ne me suis pas demandé si j'avais faim, si j'avais encore envie de moules ou pas. Au bout d'un moment, j'ai eu envie d'en reprendre, j'avais un peu faim, alors j'en ai repris. Elles étaient cuites, celles-ci, mais moins bonnes : j'avais moins faim. La troisième fournée est arrivée (mon frère et ma belle-soeur voient les choses en grand, généralement). Mon frère et Félix ont continué à y faire honneur, mais ne sont pas arrivés au bout de la marmite.
J'ai aussi bu du vin, juste un peu (comme je ne bois jamais, ça me monte très vite à la tête). Je l'ai bu en mode dégustation, et je me suis régalée !

Ensuite, il y a eu le fromage. J'en ai pris, j'en avais envie, et je ne me sentais pas entièrement à satiété, mais je n'avais pas envie de pain. Et au bout d'un moment, les gaufres, avec une boule de glace vanille. J'aurais préféré la moitié de la boule vanille, mais bon, voilà, quand on est pas à la maison, on ne chipote pas. J'en ai laissé une partie fondre dans mon assiette. Je comprends mieux pourquoi les assiettes des mangeurs régulés sont moins "propres" que les miennes : quand ils n'ont plus faim, ils laissent un peu, juste un peu, une part socialement acceptable. Je me suis régalée avec la gaufre. Elle a commencé à être moins bonne vers le milieu, mais elle était encore délicieuse. Si j'avais écouté ma satiété, je me serais arrêtée : quand le goût change, c'est qu'on est rassasié de l'aliment qu'on est en train de manger. Mais j'en avais envie, et je n'étais pas en mode "trop mangé". Juste un dépassement de satiété. Apfeldorfer et Zermati dit que tous les mangeurs régulés dépassent leur satiété lors des repas entre amis.
Par contre, je n'ai pas eu envie d'y ajouter de la chantilly. J'avais eu ma dose la semaine d'avant, et je savais que je pouvais en racheter et en remanger quand je voulais. Et là, je voulais juste le goût de la gaufre, sans sucre, sans rien, juste la gaufre (et un peu de glace vanille fondue !).

A la fin, je n'avais pas le ventre tendu, comme je l'ai généralement après les repas ailleurs que chez moi. Et pourtant, je me suis régalée, à fond, j'ai profité de tout, je ne me suis privée de rien, je n'ai renoncé à rien, et je n'ai pas eu d'anxiété sociale, tout bien !
Je savais que le lendemain, ma faim se manifesterait plus tard, et que peut-être elle se satisferait plus vite, et que tout ça serait régulé.
Rien à voir avec mon ancienne anticipation angoissante du comptage de points compensatoires sur la semaine suivante, du surinvestissement dans la gym compensatoire. C'était tout gratuit, rien à rembourser. La vie de mangeur régulé, c'est une vie de rêve, niveau alimentation.

AVANT, j'aurais été nerveuse avant, nerveuse pendant, un peu déprimée après, mal au ventre, et très déprimée le reste de la semaine de compensation, avec plein de bonnes résolutions pour attaquer le problème, genre montagne à escalader, faiblesse à terrasser, tout en sachant que le week-end prochain, pour peu qu'on soit à nouveau invités, tout serait encore une fois à refaire, le rocher de Sisyphe.
J'aurais repris des moules ET des frites (alors que je n'avais pas envie de reprendre des frites), j'aurais mangé plusieurs olives à l'apéro au lieu d'une, au moins 2 Tucs au lieu d'un, j'aurais pris une bonne boule de glace, et de la chantilly. C'était rare, la chantilly, dans ma vie alimentaire. Maintenant que je sais que je peux en manger quand je veux, c'est juste un bon aliment un peu trop gras et trop sucré au goût, bien meilleur quand il est fait maison - parce que du coup, il a le goût de la crème et un peu du craquant des grains de sucre, au lieu d'être uniforme et d'avoir juste un goût gras et sucré. Et je n'aurais pas dégusté autant la gaufre, je l'aurais juste appréciée, mon dépassement large de satiété ne m'aurait pas permis de m'en régaler autant, alors que là, ça a été un moment intense de plaisir.

Quand on est rentré, j'ai veillé très tard. Et j'ai eu une EME dès que le cachet pour dormir a fait effet. Du coup, j'ai fini la "journée" en ayant trop mangé, ça m'a un peu agacée - ce qui, à mon avis, a augmenté mon EME, mais l'indulgence, c'est long à venir, sur certains points ! Alors qu'en fait, c'est pas un drame. Aujourd'hui, il est 14h, je suis très loin d'avoir faim, même pas un peu. Du coup je mangerai plus tard, quand j'aurai la bonne faim.

Ce qui était intéressant (à part voir tout le monde et discuter, bizouiller mon neveu et ma nièce, voir la collec' d'objets "Cars" de l'un et suivre les reptations et relevages de l'autre, découvrir que les dessous de tables sont toujours aussi intéressants pour les enfants qu'ils l'étaient pour mes frères et moi quand on était petits - et déguster la gaufre), c'était d'observer les mangeurs régulés. D'habitude, je suis souvent concentrée sur moi et sur mon anxiété sociale, même entre amis, même quand je passe une bonne soirée. Là, j'étais davantage tournée vers les autres, notamment en clandestine, pour en apprendre quelque chose. Si je n'étais pas bien élevée, je les aurais même interviewés sur comment ils géraient ça avant, pendant, après, et sur le reste de la semaine, pour voir si ça correspondait à ce que dit le livre de Zermati.

Une chouette soirée !

2 commentaires:

Jo-Elle a dit…

Mes messages d'hier ne sont pas passés ??

Pattie a dit…

Non, je ne les ai pas vus dans les "commentaires à modérer".