mercredi 20 novembre 2013

Bilan du parcours (inachevé)

17/11

J'en suis au dernier volet de l'avant-dernière étape. C'est un programme assez personnalisé (pas complètement non plus, puisque la programmation est informatique, en fonction des réponses aux questions du questionnaire), donc l'ordre des exercices n'est pas le même pour tous les inscrits. Mais le contenu est le même, au bout des étapes.


J'ai appris énormément de choses.

Sur moi : que j'étais finalement un peu perfectionniste, mais pas tant que ça, heureusement pour moi, sinon je n'aurais pas pu venir à bout de certains exercices, j'aurais avancé moins rapidement et peut-être que je me serai lassée, découragée, sentie incapable. J'ai appris aussi que même si j'étais parfois un peu dure avec moi, je ne l'étais pas tant que ça. Que même si j'étais déconnectée de mes sensations physiques naturelles, je n'en étais pas si éloignée que ça. Je pense que c'est une chance d'avoir arrêté WW bien avant d'avoir commencé Linecoaching, comme ça je n'avais pas la peur de perdre le contrôle, de reprendre du poids en mangeant des aliments caloriques.

Sur les aliments : eh oui, c'est vrai, ce programme a raison : les aliments très caloriques apportent beaucoup de calories, et nourrissent plus longtemps. Les aliments bas en calories ne nourrissent pas longtemps. On m'avait toujours dit que manger une barre chocolatée donnait faim très tôt, alors que pas du tout. Manger des légumes donne faim plus tôt (je parle en respectant ses sensations alimentaires. Si on mange des légumes à sa faim, on a faim plus tôt que si on mange des barres chocolatées à sa faim : j'ai expérimenté les deux).
J'ai appris aussi que les épinards ou les pommes sont aussi désirables que les Snickers et les biscuits au chocolat Delacre. C'est juste une question de moment, et d'émotions. Je ne mange pas des haricots verts au beurre pour les mêmes raisons ni aux mêmes moments que des Pim's.
J'ai aussi appris à apprécier, à respecter et à utiliser la dimension émotionnelle des aliments. Les fraises Tagada me rappellent le sac à mains magique de ma grand-mère, l'aïoli me rappelle mon grand-père, le gâteau à l'ananas me rappelle ma mère, la chantilly me rappelle mon père, le chocolat Lindt me rappelle ma meilleure amie du lycée, la nourriture bio et les macarons me rappelle mes meilleurs amis de maintenant (dont l'un est végétarien), le fromage me rappelle mon mari, la Haagen Dazs est liée à un de mes frères et à ma belle-soeur, les oursons en guimauve Lutti sont liés à mon autre frère et à mon autre belle-soeur... Tous les aliments ont une histoire qui nous est personnelle, c'était un aliment donné par une personne qu'on aime, ou qu'une personne qu'on aime apprécie ou cuisine très bien. Évoquer les bons souvenirs liés à ces aliments quand on les mange, ça aide à nourrir les émotions avec des souvenirs plutôt qu'avec une plus grosse portion de l'aliment. Ainsi, le corps se nourrit de l'aliment, et l'esprit se nourrit de sa dimension émotionnelle.

 Sur le corps : mon corps est abîmé, blessé par les régimes. Il en porte les traces, et la plupart ne disparaîtront jamais. Ce sont des blessures que je me suis moi-même infligées, avec la bénédiction de tous ceux qui m'aiment et qui pensaient que ça soignerait mon corps, parce que les Grands Responsables de la Santé le disaient. Sauf que maintenant, les Grands Responsables de la Santé disent autre chose. En attendant, j'ai mes blessures. Ça me donne de la colère. Cette colère, je ne l'ai pas encore digérée, transformée. Je ne sais pas si je le ferai un jour. Je peux pardonner l'erreur des scientifiques chercheurs, parce que tout le monde peut se tromper. Je n'arrive pas à pardonner la stigmatisation des gens en surpoids, ni la psychose autour du poids, même pour les gens minces, que ça a généré et qui perdure (même maintenant que les Grands Responsables de la Santé ont prouvé et publié officiellement que les restrictions alimentaires sont dangereuses pour la santé - notamment parce qu'elles amènent à grossir !).
J'ai appris que mon corps, dont je n'ai jamais trop tenu compte (je n'ai jamais compté sur lui pour séduire, par exemple, je mise plutôt sur l'humour, et je préfère séduire un homme dont la priorité est de rire plutôt qu'un homme dont la priorité est de regarder un beau corps), est en fait la seule entité qui sait vraiment ce qu'il faut pour ma santé. J'ai appris que mon cerveau, dont je me méfiais au niveau alimentaire, est le meilleur traducteur possible des besoins de mon corps.
J'ai appris que quand j'apaisais mon cerveau, il traduisait mieux ce que disait mon corps.
J'ai appris que mon corps sait trouver son équilibre alimentaire aussi sûrement que s'il avait suivi des cours de diététique.
J'ai appris que si je les écoutais, mon cerveau et mon corps, ils pouvaient décupler le plaisir de manger un aliment calorique, et ils pouvaient aussi me faire passer entre deux rangées massives de chocolats de Noël pour m'arrêter pile, captivée, sur un rayon de pommes (alors qu'à la base, je n'aime pas tellement les pommes, alors que les chocolats de Noël...)


Sur les besoins : j'ai découvert que les besoins alimentaires ne concernent pas que les nutriments. Ils concernent aussi les besoins émotionnels. Sans émotions, la nourriture ne nourrit pas. Dans "Maigrir sans régime", Zermati parle de ces nouveau-nés qui, même s'ils sont nourris de lait, peuvent mourir ou développer des problèmes physiques ou psychologiques si ce lait ne contient pas aussi de l'amour.
J'ai découvert l'énorme besoin d'apaisement, aussi. Le besoin de se retrouver, sous les sensations, sous les émotions. Soi.


Sur ma faim : alors ça, c'est LA découverte. La faim protège de la prise de poids. Si on a faim quand on mange, on ne grossit pas, quel que soit l'aliment qu'on mange. Si on en mange trop, il suffit d'attendre la prochaine faim pour remanger, et on ne prend pas de poids (pas de poids durable, hein. Je ne parle pas du kilo ou deux qui apparaissent et disparaissent sur la balance, d'un jour à l'autre, d'une semaine à l'autre. Je parle du vrai poids, à trois kilos fluctuants près).
J'ai découvert toutes mes faims, la petite, la moyenne, la grande. J'apprends encore à combler chacune d'elles comme elle le nécessite. J'apprends à la faire naître au bon moment pour honorer un repas.
J'ai découvert qu'il n'y a pas besoin de se presser pour la satisfaire, ce n'est pas une comète qui revient tous les 800 ans. C'est un phénomène qui revient, comme quand on roule, on a régulièrement besoin d'essence.

 Sur mes appétits spécifiques et mon rassasiement gustatif : le corps sait exactement de quels nutriments il a besoin et en quelles quantités. C'est un excellent gestionnaire de stocks. Le cerveau traduit cela en envies, d'autant plus violentes que le stock est bas. On sent la violence de l'envie si on y prête attention. Sinon, on peut passer à côté. Le corps est aussi très patient : vu qu'il connaît ses stocks, il sait donner une envie, mais si le cerveau détecte le besoin de se réconforter avec un aliment qui n'apporte pas les nutriments dont le corps a besoin, le corps attend. Le cerveau détermine les priorités, et le corps n'alerte pas au dernier moment. En gros, si j'ai envie d'oranges, mais que je décide de manger du fromage à midi et du chocolat le soir, je ne mourrai pas tout de suite du scorbut. Par contre, si je continue le lendemain, le cerveau et le corps s'allieront pour me faire trouver un goût très discutable au fromage et au chocolat (même si la menace du scorbut reste lointaine). Si je suis assez à l'écoute, je comprendrai ce qu'ils me disent. Sinon, je risque de manger davantage de fromage ou de chocolat pour trouver le plaisir, sans comprendre pourquoi je ne l'ai pas.

Sur la RPC : c'est un excellent outil pour se retrouver soi-même sous les sensations et sous les émotions. Ca aide à s'ancrer dans le présent, à relativiser les pensées récurrentes qui nous parasitent (du genre "Je suis nulle, je n'y arriverai jamais, je n'ai pas de volonté, les autres sont tellement mieux que moi", etc.). La RPC apprend à observer ce qui va, ce qui ne va pas, et le fait d'avoir pris connaissance de ce qui va et ne va pas, de l'avoir observé, ça permet d'agir plus tard dessus, quand la séance de RPC est terminée, ou quand on est prêt à le faire.



J'arrive à voir une partie de mes difficultés (notamment la difficulté à arrêter quand le goût change. Je ne me l'impose pas non plus. Je me contente de le répertorier dans mes difficultés).
Le travail sera long pour ancrer dans mon quotidien ce que j'ai appris, et encore plus long pour que ça devienne un réflexe inconscient, et je pense aussi qu'il y aura des moments où je ne respecterai plus tout ça, et où il me faudra retrouver ces apprentissages. Il y aura aussi le moment où je devrai abandonner l'idée de perdre du poids, parce que je ferai un palier ou que mon corps aura perdu ce qu'il estime devoir perdre pour être bien.

Il y a aussi souvent le problème de suivre le programme trop attentivement, comme un régime. Beaucoup d'anciennes du forum Linecoaching en parlent, du fait qu'au début, elles étaient toujours dans une forme de restriction, qu'elles suivaient le programme plutôt que de cultiver leur instinct naturel. Je suis peut-être en plein dans ça sans le savoir encore. Si c'est le cas, il me faudra encore du travail pour dépasser ça.

Par exemple, quand on me propose un aliment et que je n'ai pas faim, je refuse.
La première fois que c'est arrivé, après le début de mon programme, le directeur de l'école avait fait un truc avec du coing. Je ne sais pas exactement quoi, parce que je ne l'ai pas goûté, et que même s'il a compris mes raisons, ça l'a un peu déçu, parce qu'il était très fier d'avoir fait ça tout seul, il avait envie de partager, du coup il a refusé de me dire ce que c'était (et après, j'ai oublié de demander au collègue qui, lui, a goûté). Je pense que c'était du coing confit (j'adore la pâte de coing, la confiture de coing, la compote pomme-coing).
Je n'avais pas faim, et c'était un moment où j'avais du mal à trouver la faim à midi, ce qui rendait mon après-midi inconfortable. Si je mangeais à midi, j'avais trop mangé (puisqu'à la base, je n'avais pas faim) et si je ne mangeais pas, j'avais faim trop longtemps avant la récréation.
Je crois que derrière mon refus instinctif, il y avait le refus de passer une mauvaise après-midi. Mais peut-être qu'en fait, il y avait l'envie de suivre à la lettre le programme : je n'ai pas faim, donc je ne mange pas. Or le programme ne dit pas qu'on doit refuser de goûter un aliment qu'on nous propose et dont on a envie. Au contraire, le but final, c'est de pouvoir accepter sans problème, sans se demander le nombre de calories, en faisant confiance au corps pour réguler tout ça.

La dernière fois que c'est arrivé, c'est l'ATSEM de l'école, qui avait apporté des feijoas. Je ne connaissais pas du tout. J'ai accepté instinctivement d'en goûter avec plaisir (heureusement que le directeur n'était pas dans le secteur, il aurait pu se vexer !). Si j'ai accepté, c'est peut-être parce que comme c'est un fruit cru, je n'y ai pas vu de problème, ce qui serait un reste de restriction cognitive liée à mes anciens régimes ou à mes connaissances erronées sur la nutrition. Mais je crois que c'est parce que c'était juste après mon repas de midi, et que du coup, je ne craignais rien pour le déroulement de l'après-midi. J'étais en pleine étape du fractionnement, donc j'avais retrouvé la faim pour les repas, j'avais eu faim à midi, j'avais mangé peu, en laissant une petite place. Quand j'ai mangé le feijoa, je n'avais pas faim, ni envie de rien, sauf de goûter un truc inconnu. Mais si j'avais eu l'estomac trop rempli, ne serait-ce qu'un petit peu trop, peut-être que j'aurais refusé, pour respecter le programme.

En tous cas, vive la RPC, qui me permet de ne pas laisser ce genre de pensées ("oh mon Dieu, me voici prisonnière d'une restriction cognitive" ou "oh mon Dieu, voilà que je prends un programme anti-régime comme un régime") tourner dans ma tête et me submerger. Je les observe, elles ne sont pas si graves que ça, elles ne m'impressionnent pas, elles ne m'empêchent pas de continuer mon petit bonhomme de chemin.



Même si ce programme n'est pas toujours simple à suivre et à intégrer, il a énormément changé mon rapport avec beaucoup de choses.

Avec moi-même : je suis plus gentille avec moi, plus patiente, j'utilise mon sens de l'humour avec moi-même (comme quand je suis allée chercher des trucs gras et sucrés et que je n'avais envie que de pommes, c'est très drôle, je trouve). Je me respecte beaucoup plus, et je prends nettement en compte le fait que je suis composée notamment d'un corps, et que c'est lui mon lien avec la réalité présente, avec la vie.

Avec les autres : je n'ai jamais été dans le "Marche ou crève" avec les autres. Mais maintenant, je suis encore plus compréhensive envers leurs inconforts. Je suis encore plus admirative de leurs efforts. Au lieu de m'emporter (ou bien par exemple d'abréger un repas parce que mon mari a dit ou fait un truc qui m'a agacée, je fais un peu de RPC impromptue, ça me permet de relativiser, de prendre les choses différemment, et de voir que l'autre est peut-être en plein inconfort pour réagir comme ça. Par exemple pour mes élèves : ils sont peut-être fatigués, ou déconcentrés. Pour mon mari : il a peut-être dépassé sa bonne faim, il est dans la grande faim, peu patient. Ça change ma réaction : je ne fais plus taire mes élèves pour bourrer à bloc jusqu'à la récré, je les amène à faire deux ou trois respirations en RPC (on travaille sur un CD de RPC pour enfants), ou je change d'activité, ou je les complimente pour avoir été concentrés si longtemps. Pour mon mari, j'exprime le fait qu'il a peut-être très faim, ça l'amène à voir que oui, en fait. Et il ralentit, pour se concentrer sur ce qu'il mange au lieu de l'avaler pour combler cette trop grande faim. Parfois, c'est lui qui me fait remarquer que je m'agite, que j'ai peut-être une trop grande faim et qui m'amène à ralentir pour ne pas manger trop vite.

Avec la nourriture : je commence à réaliser que j'habite dans un endroit où il y a énormément de nourriture, très disponible presque à toute heure (même le dimanche matin), et à un prix qui m'est abordable. Donc je n'ai pas besoin de manger rapidement d'un aliment qui me fait envie. Même s'il se périme, ou que mon mari le mange avant moi, je peux en avoir d'autre. C'est comme ça que j'ai réussi à dire non à des chips qu'il me proposait : il allait terminer le paquet. J'avais envie d'en goûter, mais pas faim ni envie de chips à ce moment-là. Je me suis dit que quand j'aurais envie de chips, j'achèterais celles-ci, pour les goûter dans de bonnes conditions, et j'ai donc dit non merci.

Il reste énormément de travail à faire, mais les bénéfices sont déjà gigantesques.

2 commentaires:

Cicciotella a dit…

Comment te dire à quel point j'aime cet article ?...
Il est impressionnant de précision, de sincérité, et surtout... n'y vois pas de clin d'oeil à ton métier, extrêmement pédagogique, à travers tes questions, pourtant très personnelles.

Je crois que quelqu'un qui est complètement perdu, déprimé comprendrait en te lisant qu'il y a une lumière au bout du tunnel qui mérite qu'on parcoure les mètres qui nous en séparent.

J'ai reconnu des choses que j'ai apprises, moi aussi, comme le plaisir d'être plus décontractée devant la nourriture, plus angoissée à l'idée qu'il n'en reste plus sans que j'en aie mangé. Comme tu le dis, on vit dans un pays sans pénurie et la plupart d'entre nous peut combler sa faim toute la semaine.
J'ai aussi redécouvert le plaisir des aliments mangés avec une vraie faim.
Mais beaucoup d'autres choses sont encore à découvrir, en attendant, je te crois sur parole.

Pour la pâte de coings de ton directeur, je me demande si la distinction "goûter" et "manger" ne te rendrait pas service. Prendre un bout de pâte de coings, soit extrêmement petit, soit une part dont tu n'aurais mangé qu'un tout petit bout et que tu aurais achevée plus tard dans la journée, au moment du retour de la faim.
Nos hôtes ne nous en demandent pas plus ; il suffit de les rassurer et de bien leur préciser qu'on ne va pas jeter le bout restant dans leur dos et que c'est vraiment très bon. Apfeldorfer nous conseille de disserter sur le plat délaissé, de poser des questions, de le valoriser ; cela consolerait notre hôte.

Pattie a dit…

Merci pour ton commentaire ! Je viens juste de lire ton article sur ton blog, que j'ai trouvé aussi plein d'encouragement !
Oui, tout à fait : la différence entre goûter et manger. Mais à ce moment-là, j'avais vraiment du mal avec ma faim. Elle était assez imprévisible (elle l'est toujours, mais beaucoup moins). Et l'appétit prévisionnel était un grand mystère, alors que maintenant, il arrive dans ma ligne d'horizon.
Et les compliments, aussi, c'est une bonne chose. Déjà, c'est civilisé. Et puis ça permet déjà pour soi de parler ce qu'on mange, et pour l'autre de voir qu'on l'apprécie (ce qu'on mange, et aussi lui).