samedi 15 mars 2014

Lâcher l'aliment

Ecrit sur le fil "Victoires du jour" du forum Linecoaching.

17/01

Peut-être pas une victoire, mais en tous cas une évolution perceptible : ce soir, j'ai arrêté de manger un hot-dog maison qui était délicieux sans aucune difficulté et sans prendre une bouchée supplémentaire pour voir si le goût était moins bon. Il y a eu un moment où j'ai SENTI que la prochaine bouchée était potentiellement moins bonne. Ca m'est déjà arrivé plusieurs fois, mais je n'ai jamais arrêté net de manger pour autant.

En principe, je ressens dans la bouche que c'est moins bon, j'en reprends une ou deux bouchées, pour voir si vraiment, c'est moins bon. Si vraiment c'est moins bon, j'arrête (ou du moins j'essaie, ça peut être plus ou moins difficile, si j'ai une EME de fin de repas).

Ces derniers temps, je me suis aperçue que je faisais souvent une pause juste avant de me demander si la prochaine bouchée était moins bonne. Une pause inconsciente, pas comme dans une vraie dégustation lente qui envoie au plafond tellement c'est bon.

Et ce soir, au moment où j'ai fait cette pause, j'ai eu plusieurs pensées dans la tête, genre on est plusieurs à parler en même temps : je suis revenue à plus de conscience de ce que je faisais (je mangeais en lisant un article, d'un œil distrait, certes, mais d'un œil quand même) ; en même temps je me suis dit que pour la prochaine bouchée, je devrais voir si elle avait toujours le même goût qu'au départ, pour savoir où j'en étais du rassasiement gustatif ; en même temps je me suis demandé si les mangeurs régulés faisaient ce retour à la conscience au moment où ils s'arrêtent de manger (les mangeurs régulés sont un mystère, ça m'intéresse de savoir comment ça se passe pour eux) ; en même temps je me suis dit que peut-être, cette pause que j'ai remarquée dans ma prise de nourriture, même quand je suis en "quart de conscience" (et non en pleine), c'est le signal inconscient que les mangeurs régulés reçoivent. Et en même temps je me suis rendue compte que je n'avais pas vraiment envie de prendre une bouchée de vérification du rassasiement gustatif, que rien que le fait de me dire que je devais vérifier était un signe que le rassasiement gustatif était là.

Je pense que cette pause, que j'ai remarquée, est une vraie évolution. Je pense aussi que si j'étais plus consciente, je l'aurais perçue plus tôt. Je me dis que ça tombe bien, parce que je suis de plus en plus consciente, de plus en plus souvent. Je me dis que mes sensations se développent : je sens mieux les odeurs, les goûts. Et là, la sensation de rassasiement gustatif.

Pourtant, je n'avais pas bien commencé : ce soir, j'évacue un peu ma journée, et le début de mon repas, c'était un peu comme une EME pas trop impérieuse, sauf que j'avais faim. Je me suis aperçue en arrêtant de manger que j'avais commencé sans même l'idée de fractionner. J'ai pris le hot-dog entier, alors que d'habitude (enfin, "d'habitude" depuis l'étape du fractionnement), je me le découpe avant, quitte à y revenir. En général, je mange avec un couteau et une fourchette, et là je l'ai mangé comme un sandwich. Bref, tout était bien disposé pour que j'évacue ma journée avec une belle EME de fin de repas prolongée.

Peut-être que ce qui a fait la différence, c'est qu'à la fin de ma journée de boulot, avant la dernière réunion, j'avais une heure, et que j'ai pris le temps de faire une RPC (j'ai même carrément arrêté de jouer à Candy crush saga parce que le besoin de me recentrer sur moi, au lieu de vider mes pensées, était devenu impérieux, une sorte d'ERPCE, une envie de RPC émotionnelle). Et après la réunion, en revenant, je me suis fait une pause sur internet, et ensuite une séance de démaquillage, et enfin une RPC en silence.

Je pense que ce qui m'a permis d'avoir les bons réflexes (me maquiller ce matin pour être sûre que je devrais passer par la case démaquillage après ma journée difficile, faire une RPC avant le dernier round et une autre au retour), c'est d'avoir expérimenté plein de fois ce qui ne marche pas (être agitée, attendre la fin de la journée comme LE moment où je pourrais enfin souffler) et d'avoir, grâce aux étapes du programme, expérimenté quelquefois ce qui marche : se centrer sur la respiration plus souvent, utiliser la RPC quand j'ai des émotions qui m'amènent à vouloir accélérer le temps ou à ne pas vivre ce que je vis, et la sensation laissée par le fait de "laisser une petite place", qui, de désagréable, est devenue ultra-confortable.).

Et finalement, ce soir, j'ai laissé une petite place, alors que la journée était faite pour une EME. Ca ne veut pas dire que je n'en aurai pas une plus tard, mais ça n'est pas grave : j'ai éprouvé ça, cette envie presque inconsciente d'arrêter de manger. Je me suis rendue compte que je l'avais déjà éprouvée, sans la décoder (et parfois sans souhaiter la décoder). Ça veut dire que ça reviendra, et peut-être que ça pourra devenir une habitude, à la longue.

4 commentaires:

Jo-Elle a dit…

Les régulés; ce sont les petits enfants... c'était nous....
Mais on nous a tellement dit "FINIS TON ASSIETTE !"
cela ne peut s'effacer ces années de forçage pour ne pas dire de gavage
Pour moi très très dur d'en laisser dans l'assiette... cela serait "un crime"
Il y a peu j'ai réalisé qu'en fait je suis née quelques années seulement après la 2ème guerre et élevée par des parents qui "enfants" l'avaient connue - comme on dit- et avaient parfois sûrement eu faim (ou du moins auraient aimé avoir des portions plus importantes ???)
Cette semaine j'ai mangé dans de petite assiette.
et je me demande aussi maintenant (souvent) si les bouchées ont toujours le goût de la première....
Bon WE

Pattie a dit…

Je pense qu'il y aura aussi une génération, actuelle et en préparation, qui aura connu l'orthorexie, la guerre des aliments. Il y a eu un reportage sur France 2, récemment. La longue apologie des régimes, les scandales alimentaires, le classement des aliments en "bons aliments" et en "mauvais aliments", la peur de ne pas manger sain, de ne pas faire ce qu'il faut, tout ça, dans le perfectionnisme et la frénésie ambiants, ça crée une méfiance, qui gêne l'alimentation "naturelle" que peut avoir un mangeur régulé.

Cicciotella a dit…

Hou la la, je n'en suis vraiment pas là ! Sentir qu'un aliment que j'aime risque d'être moins bon à la prochaine bouchée...
Mais je n'en suis pas au même endroit que toi dans le programme !

Pattie a dit…

Dans l'ordre de mes étapes, c'était vers la fin. Avant ça, il vaut mieux savoir pratiquer la RPC, avoir appris à déguster en mode Zermati (la vidéo sur le grain de raisin sec qui dure 12 minutes !), et avoir vécu le fractionnement (c'est pas facile, le fractionnement, c'est la partie du programme qui ressemble le plus à un régime, j'ai eu besoin de beaucoup de temps pour en voir l'intérêt !)

Le rassasiement gustatif, pour moi, c'est toujours un émerveillement ! Toutes ces années passées dans l'arrachement des aliments que j'aime, pour maintenant découvrir qu'en fait, au bout de quelques bouchées, ils ne sont plus intéressants !