mercredi 26 mars 2014

Rencontre du troisième type

Ecrit dans le fil "Quels sont vos aliments tabous ?" du forum Linecoaching.

Une forumeuse avait parlé de l'acceptation de la frustration. J'avais soudain compris comment je pouvais l'aborder : comme une dégustation. Jusqu'alors, j'acceptais de ressentir de la frustration, mais pas à fond. J'acceptais qu'elle soit en moi, mais je ne me laissais pas aller à la ressentir. L'envisager comme une dégustation, comme un "objet" à observer, à sentir, à goûter dans les moindres détails, c'est plus sécurisant pour moi que de me dire de me laisser aller à la ressentir. Et j'y suis arrivée ! Bon, après, c'est sûr, ça ressemble un peu à une expérience mystique. Mais c'est comme ça que je l'ai ressentie. Une expédition de l'extrême !)


1/03

Je l'ai fait ! J'ai vu ma frustration !

Après un bon repas, qui a comblé deux appétits spécifiques forts (riz et tomates), j'ai pris un de mes desserts industriels (bon, mais moins que la sauce tomate dont je rêvais depuis hier soir). Je ne suis pas sûre que j'avais encore assez faim pour le terminer, mais je l'ai terminé. Au moment de ranger la table, en ouvrant le frigo, j'ai vu le brownie. J'en ai eu une violente envie. Mais j'étais satisfaite de mon repas, je n'avais plus faim, et pas envie de céder à mon EME. J'ai refermé le frigo.

Mais l'idée du brownie m'a un peu taraudée. C'est comme un refrain agaçant dont on ne peut pas se débarrasser.

J'ai repensé à cette discussion, sur la dégustation de la frustration, et je me suis dit qu'il allait falloir que je le fasse, un de ces jours. Et là, paf, ça s'est fait tout seul. J'ai pris conscience de ma respiration (comme un réflexe : on va aborder la tempête, il faut trouver l'ancre !), j'ai nommé la frustration, mais c'était flou, comme nommer une vague impression de brouillard. J'ai essayé de m'ouvrir, pour mieux voir, mieux ressentir, me laisser traverser. Et tout d'un coup, j'étais dedans, ça n'était pas agréable, j'avais surtout peur que ça s'amplifie, mais je suis restée "dedans". C'était comme un creux dans la poitrine et un vide dans la mâchoire, et une retenue dans la tête, parce que j'avais un peu peur (la frustration, dans un régime, c'était un signe que ça commençait à sentir le crâmé pour la motivation).

Et j'ai eu l'impression d'échanger un regard avec ma frustration, comme rencontrer un lapin au détour d'un sentier en forêt, ça surprend le promeneur et le lapin. C'était assez bizarre. J'ai porté mon attention sur ça, et en fait, il ne restait plus rien, que de l'étonnement.

J'ai mis un dvd, mais mon attention restait sur ma respiration, j'ai ressenti le besoin d'aller faire une RPC formelle. Oublié, le brownie. Et là, je n'en ai pas envie. Ca reviendra. Mais ce n'est pas grave : j'ai regardé ma frustration, je ne l'ai pas attaquée, niée, je ne l'ai pas temporisée, je n'ai pas essayé de la satisfaire, je l'ai juste regardée. Je suis encore loin de la déguster, mais c'est déjà pas mal !

Et bon, finalement, loin du lion dévastateur, c'est un lapin. Bon, après, je me méfie des lapins. Je me souviens d'un film des Monty Python où le lapin était redoutable !

Je n'irai pas jusqu'à dire que c'était une bonne expérience, mais c'était étrange. Je pense que je n'aurai pas trop peur de renouveler.

(Et sinon, y a des psychotropes, dans les tomates-aubergines en boîtes ?)

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Depuis, je rencontre ma frustration tous les jours. Ca n'est pas aussi intense que la première fois. Parfois, je ne l'observe pas aussi intensément - parce que ça reste une émotion pas agréable. Elle devient plus familière. Souvent, je l'accepte. Depuis, je mange vraiment moins. Je ne sais pas si ça va durer ou si c'est juste en ce moment. Ça me fait un peu râler. Je mangeais déjà peu, je mange encore moins. Du coup, ça me frustre. Mais maintenant, je connais ma frustration. Je n'en ai plus peur. Je râle, mais je ne la crains pas, je n'ai plus besoin de la recouvrir avec de la nourriture, je me laisse la ressentir, elle n'est pas dangereuse. C'est mon envie de la nier qui est dangereuse. J'ai d'autres émotions à rencontrer, que je recouvre encore, mais pour le moment, depuis ce jour (j'écris ça le 9 mars, donc ça fait 9 jours) je ne recouvre pas la frustration avec de la nourriture. Quand je la rencontre, au détour d'un repas, je l'observe. La frustration ne fait pas manger sans faim. C'est le fait de la nier qui fait manger sans faim. M'enfin, je n'en suis pas à me laisser entièrement aller à la ressentir. J'ai toujours un petit sursaut, un petit mouvement intérieur de recul, exactement comme quand on voit un lapin au détour d'un sentier.

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